Intervention de Viviane Romana au nom du groupe RCDEC – Séance plénière du Conseil régional – 28 mai 2019 (seul le prononcé fait foi).
Madame la Présidente,
Monsieur le Vice-président,
Chers collègues,En nous proposant d’approuver l’adhésion de la Région Ile-de France à la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, des traites et de leurs abolitions en qualité de membre bienfaiteur, vous vous inscrivez dans la continuité de l’action mémorielle engagée par Jean-Paul Huchon et son Vice-président, Abdelhak Kachouri. En effet, en 2012, la Région Ile-de-France a fait du 23 mai, une date symbolique de la Région, dédiée à la mémoire des victimes de l’esclavage et à la lutte contre le racisme, répondant ainsi à une revendication des associations antillaises qu’une date spécifique rende hommage au martyr de leurs aïeux. Elle contribue au travail de mémoire et d’histoire de l’esclavage, en appuyant toutes les actions pédagogiques menées par les associations (Institut du Tout-Monde, Comité Marche du 23 mai 1998), des établissements scolaires et universitaires.
Les élus RCDEC se félicitent de la poursuite de l’action mémorielle initiée par votre prédécesseur et approuvent l’adhésion de notre collectivité en tant que membre bienfaiteur à la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, des traites et de leurs abolitions. Car en effet, cette fondation voulue et initiée par François Hollande avant la fin de son mandat présidentiel, est une avancée considérable pour notre pays qui, trop longtemps, a oblitéré l’Histoire de l’esclavage, refusant d’assumer cette partie sombre de son passé colonial. La fondation à venir est l’aboutissement d’un long et fastidieux processus de reconnaissance par la République du crime commis contre des millions d’Africains. Ce processus a été déclenché par un mouvement populaire sans précédent en 1998.
Il y a 20 ans, le 23 mai 1998, à l’occasion des commémorations des cent-cinquante ans de l’abolition de l’esclavage, une marche silencieuse rassembla dans la Capitale 40 000 Français originaires des départements d’Outre-mer et d’Afrique. Ils étaient venus honorer la mémoire des millions de victimes de la traite et de l’esclavage colonial et sortir de l’oubli des aïeux inconnus, longtemps ignorés. Ils s’étaient également mobilisés pour exiger que le crime contre l’humanité dont les esclaves furent l’objet, soit reconnu par la République. L’Histoire de la traite et de l’esclavage des Noirs ne pouvait plus être occultée. Elle devait être enseignée et sa mémoire partagée au sein de la communauté nationale. S’en suivirent d’âpres luttes et une mobilisation sans relâche de descendants des protagonistes de cette Histoire, de Républicains et d’Humanistes, pour convaincre les gouvernements successifs de la nécessité d’assumer ce passé colonial et de traiter la mémoire de l’esclavage, plutôt que de « l’empêcher ». Trois ans après la Marche de 1998, le Parlement adoptait à l’unanimité la loi Taubira faisant de l’esclavage un crime contre l’Humanité. Dix-neuf ans plus tard, la France accordait, aux victimes, la reconnaissance tant souhaitée par leurs descendants. Aujourd’hui, grâce à l’action déterminante de la communauté antillaise, guyanaise et réunionnaise installée dans l’Hexagone, notre République est dotée d’une législation sur l’esclavage colonial la plus avancée au Monde. La loi de 2001 reconnait le crime contre l’Humanité et celle de 1983, amendée le 1er mars 2017 par la loi Egalité réelle en Outre-mer, officialise deux dates de commémorations nationales : le 10 mai en mémoire de la traite, l’esclavage et leurs abolitions, le 23 mai en hommage aux victimes.
La Fondation pour la mémoire de l’esclavage, des traites et de leurs abolitions est le dispositif nécessaire pour mettre en musique notre politique mémorielle en matière d’esclavage dont nous pouvons être fiers aujourd’hui.
Ainsi, en adhérant en tant que membre fondateur à cette fondation, la Région continuera de façon significative à développer ce travail de mémoire et d’histoire de l’esclavage, indispensable au sein de notre République pour lutter contre le racisme et les concurrences de mémoires. Notre collectivité, comme en 2012, répondra à une aspiration tellement légitime des Franciliens originaires des départements d’Outre-mer que leur histoire et leur mémoire soient pleinement inscrites dans le récit national.
Vous l’aurez compris, Madame la Présidente, c’est avec enthousiasme que nous voterons cette délibération, en espérant cependant pouvoir en adopter bientôt une autre, celle de votre engagement à créer la cité des Outre-mer. Ce lieu de valorisation des cultures des Outre-mer, qui figure depuis une cinquantaine d’années dans les programmes électoraux des candidats de droite et de gauche (pas le vôtre, j’en conviens !) est une revendication tenace et chère à vos compatriotes de l’Outre-mer, Madame la Présidente. J’ose espérer que vous pèserez de tout votre poids pour relancer ce projet, en mobilisant le Ministère des Outre-mer et la Ville de Paris.
Je vous remercie.